L'horloge tourne, les minutes sont torrides et moi je rêve d'accélérer le temps.« Ça va aller ma chérie ? » « Mais oui maman, ne t’inquiète pas. » « Tu ne veux pas que j’aille avec toi ? » « Maman. » « D’accord, je ne dis plus rien. » Mathilde se tourna vers sa mère, qui lui souriait gentiment avec ce sourire de maman qu’on pouvait facilement voir sur tous les visages des femmes devant le collège. Fini l’école primaire, on passait au niveau au-dessus dans l’école « de grands » comme aimait le répéter les parents des sixièmes qui se préparaient depuis deux semaines à cette rentrée scolaire. Acheter tout le matériel indiqué sur les listes distribuées quelques semaines plus tôt, reprendre un rythme acceptable de sommeil et ne plus faire trop de grasse matinée pour retrouver l’heure habituelle du levé en période scolaire. Ça avait été plutôt facile pour Mathilde, puisque ses parents ont toujours été assez pointilleux sur l’heure du couché, même pendant les vacances. Pas après minuit pour Mathilde, et avant vingt-deux pour sa sœur de trois ans sa cadette. Une petite jalousie était née chez Justine d’ailleurs, mais ça avait très vite passé quand leur parent les avaient emmené faire les boutiques pour acheter de nouvelles tenues pour la rentrée. Sans doute était-ce ça qu’elle attendait chaque année, pouvoir renouveler sa garde-robe à l’infinie et se prendre pour une petite princesse. Mathilde elle, faisait attention à ce qu’elle faisait acheter à ses parents, faisant en sorte de ne jamais trop abuser de leur générosité. Ils appréciaient ce côté prévenant de leur fille ainée, et espérait que ça allait déteindre sur la petite Justine. A tort, malheureusement.
« Pourquoi elle va au collège et pas moi ? » demanda sèchement une voix boudeuse à l’arrière du véhicule. Isabelle se tourna vers Justine, qui regardait avec envie le grand bâtiment près de la voiture. La famille Gallois avait eu de nombreuses discussions à ce propos, mais Justine n’arrivait pas à trouver ça normal. Pourquoi est-ce que ça devrait toujours être Mathilde qui découvre tout avant elle ? Elle avait elle aussi envie de tout découvrir en avant-première, avant sa grande sœur, mais elle était presque sûre qu’au moment du repas Mathilde allait être la cible de toutes les questions de leur parent, et Justine sera bien obligée d’écouter les réponses de sa sœur, et elle sera encore plus frustrée. Ça avait toujours été comme ça. La natation, le cyclisme, l’équitation. Puisque Mathilde était la plus âgée, elle avait droit à tout. Ça la rendait malade.
« Ma chérie, dans trois ans tu seras aussi au collège ne t’inquiète pas. » « Mais c’est long trois ans ! » « Mais non, ça va passer très vite. » Une cloche résonna alors dans l’ensemble de la cour, indiquant aux élèves qu’il était temps de s’y rendre. Isabelle étreignit une dernière fois sa fille avant de la laisser descendre avec son sac à dos tout neuf. Mathilde ouvrit la portière arrière pour embrasser sa sœur et lui promettre tout bas qu’elle dirait le moins possible de sa journée pour la laisser découvrir par elle-même dans trois ans. Elle savait très bien que Justine était d’une curiosité débordante, et que savoir que sa sœur allait tout découvrir avant elle ne lui plaisait pas tellement. Et elle lui en était reconnaissante. Malgré la jalousie qui régnait parfois entre les deux sœurs, elles s’adoraient au fond, et Mathilde ferait n’importe quoi pour la rendre heureuse.
« Lorsque j’appellerai votre nom, vous irez vous ranger en ordre derrière votre professeur principal. » Le directeur surplombait la foule de sixièmes qui s’entassaient péniblement dans la grande cour de l’école. Certain étaient déjà avec leur groupe d’amis, d’autres comme Mathilde, étaient seuls et regardaient nerveusement et timidement leurs nouveaux camarades. Durant l’été, la famille Gallois avait déménagée de Belfort à Dijon pour le bien du travail du père de famille. Alors autant dire qu’avec tous ces kilomètres qui la séparaient de sa ville natale, Mathilde se retrouvait comme un canard colvert égaré dans une mare remplit de canards mulards. Elle déglutit péniblement, tiraillée par la peur et le stress qui lui emprisonnaient l’estomac, tout en écoutant le mieux possible le directeur du collège, en sursautant à chaque fois qu’elle entendait une Mathilde, ce qui n’arriva que deux fois heureusement. Et manifestement, elles ne faisaient pas partie de sa classe. Quatre professeurs s’étaient déjà dirigés vers l’entrée de l’établissement, suivit de près par une troupe d’une trentaine d’élèves. La jeune fille balaya une nouvelle fois la foule du regard, qui avait largement diminuée depuis le début de l’appel. Il devait rester assez de gens pour faire deux ou trois classes encore, mais pas plus. Mathilde attrapa une mèche de cheveux et la tortilla doucement, tout en se demandant quand viendrait son tour. Sans doute aurait-elle due poser cette question un peu plus tôt puisque après un jeune garçon qui avait l’air tout aussi stressé qu’elle, la voix du directeur appela avec une forte intonation le nom de Mathilde Gallois. Ni une ni deux, l’intéressée prit son sac qu’elle avait posée par terre pour éviter d’avoir mal au dos et suivit le garçon jusqu’à la file qui se formait doucement mais surement. Son professeur sera donc une jeune femme, habillée classe mais qui avait l’air assez gentille. Du moins en apparence. Elle avait croisé quelques profs qui avaient l’air gentils, mais finalement ils étaient pires que des tyrans tout le long de l’année. Elle espérait sincèrement que ça ne serait pas le cas cette année encore.
« Salut ! » Mathilde sursauta. Elle était complètement perdue dans ses pensées, et entendre une voix si proche de son oreille lui avait fait une peur bleue. Son interlocutrice sembla amusée par la situation, alors que Mathilde prit une légère teinte rosée sur les joues.
« Désolée, je t’ai fait peur. Je m’appelle Emma, et toi ? » La brunette la regarda, quelque peu surprise.
« Hum… Mathilde. » La blondinette fronça légèrement les sourcils, puis sourit.
« T’as un petit accent, t’es pas d’ici toi. » « C’est ça, j’ai emménagée il y a quelques semaines ici. » « Ah ouais ? Tu viens d’où ? » [color=indianred]« Belfort. »
« Oooooh j’y suis allé une fois avec mes parents ! » Vous vous souvenez la facilité surprenante qu’on avait à se faire des amis lorsqu’on était plus jeunes ? Vous comprendrez alors pourquoi Mathilde et Emma sont devenues, à cet instant, certaines qu’elles allaient devenir les meilleures amies du monde.
L'horloge tourne, les minutes sont acides et moi je rêve que passe le mauvais temps.« Mathilde ? Où en sont les costumes ? » L’intéressée se redressa légèrement sur sa chaise, face au professeur de théâtre qui avait eu la gentillesse de lui laisser les commandes de la confection des costumes pour le spectacle, connaissant ses talents en stylisme.
« J’ai bientôt fini celui pour le rôle d’Adeline, et ensuite je n’aurai plus que les figurants à faire. » « Très bien. » Un léger sourire se dessina sur les lèvres de la jeune femme. Elle ne faisait pas officiellement partie de la troupe de théâtre, mais elle avait été acceptée comme telle. Elle était présente à toutes les réunions, les répétitions, et ses croquis pour les costumes avaient fait l’unanimité auprès des acteurs. Tout le monde adorait son travail, et même le professeur d’art plastique voulait que quelques-unes de ses créations soient dans l’exposition annuelle, lors des portes ouvertes du lycée. Elle était à peine arrivée en seconde qu’elle s’était déjà fait un nom auprès de tout le monde, et malgré elle, elle était presque devenue la fille populaire comme dans les séries et films américains. Sauf qu’elle n’en voulait pas de ce rôle, et le subissait plus qu’autre chose.
La cloche sonna alors, laissant à peine le temps au professeur d’exprimer ses dernières recommandations pour les dernières répétitions. Mathilde avait vraiment un travail presque titanesque à fournir, puisqu’elle devait rendre un commentaire de texte pour le prochain cours de français qu’elle avait à peine commencé, un devoir de svt et enfin un exercice de maths pour le lendemain, qui allait lui donner beaucoup de fils à retordre, et en plus de ça elle devait finir une dizaine de costumes pour le spectacle qui avait lieu le mois suivant. Elle rassembla ses affaires, déjà en train de faire un planning suffisant pour essayer de caser tout ce qu’elle avait à faire. Étant donné qu’elle avait une heure de libre après le cours de théâtre, elle pourra essayer d’avancer dans son commentaire de français, ce soir s’attaquer à son exercice de maths avec l’aide de son père, et peut-être travailler sur les costumes un peu plus tard dans la soirée, malgré le « couvre-feu » instauré pour les filles Gallois. Elle ne pouvait pas espérer une quelconque aide de sa sœur puisqu’elle était partie en voyage scolaire pour les deux semaines à venir à Londres pour améliorer leur anglais. Emma serait sans doute l’heureuse élue pour l’aider à faire ses devoirs pendant les deux prochaines semaines…
« Salut. » Mathilde se retourna et tomba sur Thomas, l’un des acteurs de la troupe. Selon les rumeurs, il s’y était inscrit malgré pour pouvoir se détendre puisqu’il était assez doué. Et selon l’avis de Mathilde, il était bien plus que doué. Elle ne comprenait pas tellement son choix de vouloir faire S alors qu’il était si doué dans les activités artistiques, mais qui était-elle pour donner son opinion là-dessus ? C’était sa vie, il faisait ce qu’il voulait après tout.
« Salut ! » dit-elle avec le sourire, comme elle faisait avec tout le monde.
« Écoute, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Est-ce que tu as besoin d’aide pour les costumes ? » Elle avait eu légèrement peur qu’il lui demande de sortir avec lui, et c’est la raison pour laquelle ses joues prirent une teinte rosé. Quelle idée de commencer une phrase avec « je ne vais pas y aller par quatre chemin » aussi ?
« Hum… pourquoi tu me demande ça ? » demanda-t-elle le plus simplement qu’elle le pouvait, essayer de calmer son pauvre petit cœur enfin chambouler par le début de sa chemin.
« J’ai une amie de collège qui m’a dit que vous aviez beaucoup de devoir ses temps-ci. Alors si tu as besoin d’un coup de main… » Il passa sa main dernière la nuque, comme il le faisait souvent lorsqu’il était gêné avait-elle remarqué. Mathilde ne put s’empêcher de sourire.
« Tu sais te débrouiller avec une machine à coudre ? » « Je peux apprendre. » Elle trouvait cette situation de plus en plus amusante. Un garçon qui ne savait pas se débrouiller avec une machine à coudre qui voulait l’aider à faire les costumes. C’était presque mignon.
« J’ai autre chose à te proposer. Tu es doué avec les matières scientifiques ? » « Ouais ça va. » « Parce que moi je suis une vraie quiche. Peut-être pourrais-tu me donner un coup de main après les cours pour que je finisse mes devoirs pour les matières scientifiques ? Comme ça, ça m’enlèverais du travail en plus pour me consacrer aux costumes. » « C’est un bon deal. Tu me passes ton numéro ? » [color=indianred]« Yep. » Elle sortit son portable de sa poche, et vit quelque chose d’étrange. Elle avait des tas d’appels manqués venant de ses parents, et un message sur sa boite vocal.
« Ça ne va pas ? » Mathilde fronça les sourcils. Si ses parents l’avaient tant appelé en si peu de temps, c’était que quelque chose était arrivé. Son cœur fit un saut à l’élastique. Sa grand-mère.
« Hum… je… » Elle écouta le message vocal. Sa mère était en larme. C’était donc arrivé aujourd’hui.
« Écoute Mathilde, quand tu écouteras ce message, rappelle-nous le plus vite possible. » « Oh non… » Les larmes venaient déjà dans ses yeux. Elle se dépêcha d’aller vers les escaliers les plus proches pour pouvoir s’assoir. Elle était au courant que ça allait arriver bientôt, mais pas aussi tôt. Les larmes coulaient sur ses joues. Elle ne voulait pas rappeler ses parents. Ça ne ferait que confirmer ses craintes. A cet instant, elle ne voulait être seule.
« Mathilde ? » Elle releva les yeux et découvrit Thomas, légèrement flou à cause des larmes.
« Qu’est-ce qui se passe ? » « Ma grand-mère… » Elle ne voulait pas finir la phrase, et de toute façon le jeune homme pouvait parfaitement comprendre la situation. Et il comprenait parfaitement, puisqu’il resta prostré, ne sachant quoi faire.
« Oh… je… Je suis désolé. » Il s’assit alors à côté d’elle. Que pouvait-il bien faire après tout. Durant quelques minutes ils restèrent silencieux, du moins Mathilde essayait de l’être, de retenir ses sanglots comme elle le pouvait.
« Tes parents vont venir te chercher ? » « Non. La voiture est en panne. Je vais devoir marcher. » « Non. Je vais te ramener chez toi. » « Hein ? » Mathilde se tourna vers lui, et il semblait tout à fait sérieux.
« Tu as une voiture ? » « Je vais de la conduite accompagné avec la voiture de mon frère. Il ne travaille pas très loin d’ici, je peux la récupérer. » « Je ne veux pas que tu ais des problèmes… » « Ne t’inquiètes pas. Tu fais parais plus âgé avec sa coupe de cheveux, alors les flics vont sans doute croire que tu es ma sœur ou quelqu’un d’autre de majeur. » « C’est comme ça que tu remontes le moral des gens ? » « Disons que quand ils vont mal je m’efforce de les faire rire. » Mathilde sourit, et s’obligea à suivre le jeune homme, même si elle n’était pas certaine que son fabuleux plan marche s’ils croisaient des policiers, mais elle n’avait pas tellement le choix après tout.
Les jours et les semaines suivantes furent difficiles pour la famille Gallois, surtout pour Mathilde et Justine. Elles avaient toujours été proches de leur grand-mère maternelle, et l’hospitalisation de cette dernière avait déjà été difficile à supporter car elles savaient très bien qu’elle n’en n’avait plus pour très longtemps à vivre. En apprenant la nouvelle, Justine obtint l’autorisation de rentrer plus tôt en France avec l’aide d’un des professeurs accompagnateurs. Et les deux sœurs retrouvèrent leur ancienne complicité, qui avait été quelque peu disparue ces dernières années. Quelle tristesse d’attendre un tel évènement pour se retrouver. Mais les semaines qui suivirent, les deux sœurs étaient souvent collées ensemble, en compagnie d’Emma et de Thomas.L'horloge tourne, mais son coeur se suicide et moi je rêve du bon vieux temps.Mathilde regarda une nouvelle fois sa montre posée bien en évidence à côté des stylos qu’elle avait choisis de garder auprès d’elle pendant l’épreuve. Un silence de mort régnait dans la salle, où une cinquantaine d’élèves issus des différentes classes littéraires de l’école passaient le même examen, qui était devenu au fil des années un rite de passage obligatoire : le baccalauréat. Certains étaient persuadés que leur vie se jouait sur chaque mot qu’ils osaient écrire sur le papier, d’autres s’en fichaient royalement de l’avoir ou pas puisque leurs parents pourraient toujours subvenir à leur besoin, qu’ils aient le bac en poche ou non. Et les derniers, c’étaient ceux qui étaient un peu stressés tout de même, mais qui se sont promis de faire de leur mieux pour le décrocher, avec mention ou non. Enfin bon, avec une mention ça peut être pas, se disent-ils avant de rentrer dans la salle de l’épreuve où ils sont sûrs de cartonner comme des bêtes.
Ils étaient à présent en train de passer l’épreuve d’espagnol, qui bouclait ainsi leur dur labeur à l’écrit, et qui sonnait officiellement la fin du bac. Du moins avant l’épreuve orale qui aurait lieu quelques jours plus tard. Mathilde ne se faisait pas trop de soucis par rapport aux langues. Elle avait toujours été bonne, même si sa langue préférée restait toujours l’anglais et qu’elle était persuadée qu’un bon niveau en anglais lui permettrait d’avoir plus de portes ouvertes qu’avec l’espagnol. Mais elle était de toute manière plus reposée et moins angoissée que pour leur première épreuve que tout le monde attend toujours avec impatience chaque année : la philosophie. Il y avait même une élève tellement effrayée par l’épreuve qu’elle a eu une crise d’angoisse quinze minutes avant l’épreuve, et tout le monde avait été obligé d’attendre qu’elle se sente mieux avant de commencer. Emma avait été tellement énervée que Mathilde avait crue qu’elle allait finir par foutre une baffe à l’autre fille. Heureusement, l’épreuve avait finalement commencée, certes avec dix minutes de retard, mais ça n’aurait pas de répercussions sur l’obtention ou non du bac. Mis à part cet incident, les autres épreuves avaient eu lieu à la date et à l’heure prévue, malgré quelques suspicions de triche pour le gouvernement, mais bon, ça arrivait à peu près chaque année de toute manière. Ça pourrait presque devenir une épreuve.
Mathilde referma son stylo, soupira en silence, heureuse d’avoir enfin terminé cette expression écrite qui lui avait donné du fil à retordre. Après l’avoir relu et corrigé quelques fautes, elle rassembla ses copies doubles et se leva. Elle faisait partie des dix derniers à rester dans la salle pour finir leur épreuve, et Emma était elle aussi dans la salle, sans doute à attendre Mathilde. A voir sa tête lorsqu’elle aperçue son amie, elle devait avoir fini depuis un bon moment déjà et s’ennuyait atrocement pendant l’attente. Mathilde remit sa copie à l’examinatrice de l’épreuve, qui avait elle aussi l’air de s’ennuyer depuis le début. Elle signa la fiche de présence, retourna à sa place pour rassembler ses affaires trainant sur sa table, et sortit de la salle avec Emma sur les talons.
« Ça y est c’est les vacaaaannnnnces ! » cria-t-elle en sautant sur le dos de Mathilde. Elles avaient passées ces dernières semaines à réviser – du moins à faire semblant de réviser, elles passaient le plus clair de leur temps sur Internet, dans les boutiques et dans la piscine de Mathilde, se faisant ainsi engueuler par la sœur de cette dernière qui ne pouvait pas profiter « d’un moment de tranquillité bien mérité » - et savoir que tout était enfin terminé les soulageait d’un poids énorme.
« Bon, on fête ça où ? » « Chez Thomas ? Je crois qu’il va organiser un truc la semaine prochaine, quand l’oral sera aussi passé. » « C’est une très bonne idée très chère. Tu crois qu’il a fini d’ailleurs ? » « Aucune idée. » « J’irais bien vers sa salle pour regarder… » Les deux amies se regardèrent, le regard scintillant par cette même pensée excitante de briser une énième fois les règles, mais bien sûr en toute discrétion. Elles avaient intérêt à faire semblant de rien, Mathilde pour ses études de journalisme et Emma pour sa formation d’hôtesse de l’air ; leur dossier devait être impeccable, avec des notes acceptables mais des excellentes remarques des différents professeurs. Néanmoins, elles ne disaient jamais non contre une bêtise à faire ou à organiser en groupe, et jamais elles ne se sont fait prendre. Du moins par des gens crédible. La plupart du temps c’était par Natasha, la fille que personne ne pouvait supporter, surtout chez les profs, alors lorsqu’elle allait leur rapporter les faits, personne ne la croyait. Ce qui était presque jouissif pour Thomas, Emma et Mathilde, puisqu’ils pouvaient faire ce qu’il voulait sans que personne ne se doute de quoi que ce soit. Ni une ni deux, elles se dirigèrent vers la sortie de leur lycée, passèrent par la cour de derrière pour aller vers la salle où se trouvait leur ami. Elles se cachèrent sous la fenêtre, déjà hilares et Mathilde se releva doucement pour jeter un œil. Il restait très peu de personne dans la salle, et Thomas y était encore. Elles se déplacèrent de sorte à être hors du champ de vision de l’examinateur, et elles firent des grands signes idiots et des grimaces pour que Thomas les remarque. C’est ce qui se passa. Il les regarda avec un air surprit et presque rageur, et faisait de nombreux aller-retour entre l’examinateur plongée dans son livre de science et ses deux amies qui faisaient les idiotes à la fenêtre. Les autres élèves les avaient aussi remarqués et riaient en silence, sans doute heureux de cette petite animation imprévue. Pendant cinq minutes, les deux filles continuèrent leurs grimaces, pour la plus grande honte de Thomas, elles le savaient, et c’était ça qui était drôle finalement. Puis, l’examinateur releva les yeux, et Emma et Mathilde se jetèrent presque par terre pour ne pas être vues par l’homme qui ne semblait absolument pas sympathique. Elles rigolèrent quelques minutes, avant de retourner tranquillement dans le hall du lycée pour attendre le troisième membre du groupe.
« Mathilde… Tu sais que c’est l’une des dernières journées qu’on passe ensemble… » Oui elle en avait conscience. Si elle était acceptée dans son école de journalisme de Nantes, elle ne reverrait plus très souvent ses amis à cause de la distance. Le groupe allait s’éclater pour se répartir un peu partout en France, et c’était ce qui la rendait nostalgique du lycée. Elle y avait passé ses trois plus belles années scolaires avec ses deux meilleurs amis, et dans deux mois seulement elle sera obligé de leur faire un au revoir pour faire un métier qu’elle a toujours voulu faire, et surtout qui lui apporterait une sécurité suffisante si son talent pour le stylisme ne perçait jamais dans le milieu. Ses parents l’avaient exigé. Elle pouvait faire du stylisme seulement si elle avait un niveau d’étude qui lui permettrait de rebondir en cas de besoin, si jamais ça tournait mal. Alors elle avait choisi le journalisme, afin de pouvoir tout de même travailler dans les revues de mode. Néanmoins, l’idée de partir en laissant ses amis derrière elle lui faisait mal au cœur. Mais elle ferait en sorte qu’ils gardent toujours contact, quoi qu’il arrive.
« Je ne te connaissais pas si mélancolique Emma, fais gaffe tu me fais peur ! » La blondinette sourit, attrapa son amie et l’entoura avec son bras sur ses épaules.
« Qu’est-ce que tu veux, trois années de lycée ça change les gens ! » « Ouais enfin ça n’a pas enlevé ta folie. » « Oses dire que t’es normale ! » « Oui madame je suis parfaitement normale ! » « Le jour où tu seras normale, les gens se baladeront à dos de chameau à tête de lion et à queue de cochon. » Thomas s’approcha de ses amies, le visage partagé entre l’hilarité et le faux reproche.
« Je vous retiens vous deux ! » « Nous aussi on t’aime Thomas ! » annonça Mathilde avec un grand sourire. Oui, ça allait être vraiment dur de les quitter.